

Appareils électroniques – interdiction vers les Etats-Unis
Revue de presse
Lire aussi Nouvelles mesures de sécurité pour les appareils électroniques sur les vols vers les Etats-Unis L’interdiction concerne entre huit et dix compagnies aériennes étrangères et affecterait dix aéroports dans huit pays situés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
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Après le décret interdisant l’entrée aux ressortissants de sept pays, pour cause de menace terroriste, l’administration américaine va interdire aux passagers au départ de dix aéroports du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de Turquie, de monter à bord d’un avion pour les Etats-Unis avec un ordinateur ou une tablette, toujours au nom de la prévention des attentats. A partir de vendredi, les passagers au départ d’Abu Dhabi, d’Amman, du Caire, de Casablanca, de Doha, de Dubaï, de Koweït City, de Ryad et de Djeddah, devront donc placer dans leurs valises en soute, ordinateurs, tablettes, appareils photo, lecteur de DVD, ainsi que tout appareil électronique d’une taille supérieure à celle d’un téléphone portable. Une mesure dont la durée n’est pas précisée par les autorités américaines, mais qui risque de dissuader plus d’un touriste.
Analyse du risque en cours en France
Au total, neuf compagnies aériennes seront concernées par cette interdiction. Et pas des moindres puisque Emirates, la compagnie de Dubaï, et ses concurrentes, Qatar Airways et Etihad font partie du lot. Ces trois compagnies assurent plus d’une vingtaine de vols quotidiens sur une douzaine de villes américaine. Autre compagnie internationale majeure : Turkish Airlines figure également sur la liste, au grand dam d’Ankara qui a immédiatement protesté. Peine perdue. Lire aussi – Le Royaume-Uni interdit à son tour les ordinateurs portables en cabine sur certains vols en provenance de pays arabes Non seulement Washington ne semble pas vouloir faire machine arrière, mais le gouvernement britannique a décidé de lui emboîter le pas, en interdisant à son tour ordinateurs et tablettes à bord des avions en provenance de cinq pays arabes et de la Turquie. Curieusement, la liste des pays ciblés par les Britanniques ne comporte pas les Etats du Golfe, dont les ressortissants sont très présents à Londres, mais elle inclue la Tunisie et le Liban (qui n’ont pas de liaison aérienne directe avec les Etats-Unis). L’interdiction britannique concernera également British Airways, sur ces vols au départ des pays visés. Le Canada et l’Australie pourraient également suivre. Côté français en revanche, aucune interdiction nouvelle n’a encore été édictée. Mais une « analyse du risque est en cours » a indiqué à l’AFP un porte-parole de l’aviation civile.
Préparatifs d’attentats
Selon la presse américaine, le gouvernement disposerait d’indices concernant des préparatifs d’attentats contre des avions de lignes. Et par le passé, des ordinateurs ont pu être utilisés pour y dissimuler de l’explosif. En février 2016, l’explosion d’un ordinateur piégé avait ainsi perforé la carlingue d’un Airbus A321 de la compagnie somalienne Daallo Airlines, heureusement encore au roulage, à l’aéroport de Mogadiscio. C’est pour parer cette menace que les passagers doivent pouvoir allumer leurs ordinateurs lors de leur passage aux filtres de contrôle. Cependant, la mesure américaine semble bien incomplète parce qu’elle ne concernera pas les passagers des vols en correspondance. Par ailleurs, de nombreuses compagnies interdisent de placer des batteries au lithium dans les bagages en soute, par crainte d’un incendie.
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En mars 2016, alors qu’un Airbus A319 de la compagnie Daallo Airlines vient de décoller de Mogadiscio, l’ordinateur d’un passager explose, faisant un trou dans la carlingue, par lequel est aspiré le terroriste. Il sera la seule victime de cet attentat, puisque l’avion qu’il voulait détruire reviendra se poser sur l’aéroport de la capitale de la Somalie sans problème quelques minutes plus tard.
Il y a donc bien un risque réel avec le matériel électronique qu’emportent les passagers dans leurs bagages à main. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les agents de sécurité demandent parfois – mais pas assez fréquemment – au moment des contrôles de mettre sous tension tablettes ou ordinateurs portables afin de vérifier si les batteries n’ont pas été remplacées par un engin explosif.
Mais pourquoi avoir attendu un an après l’affaire de Mogadiscio avant que les États-Unis, bientôt suivis de la Grande-Bretagne et peut-être d’autres pays – dont la France –, ne décident d’interdire tablettes et ordinateurs portables dans les bagages à main des avions en provenance directe de huit pays musulmans ? Une mesure que la plupart de ces pays ont immédiatement jugée discriminatoire. Certains faisant d’ailleurs remarquer que des actions terroristes récentes se sont également produites en France, en Belgique ou en Allemagne, et que ces pays pourraient tout autant figurer dans la liste des aéroports concernés.
Pas moins dangereux en soute
On peut aussi se demander si la sécurité sera vraiment renforcée en reléguant dans les soutes des avions les appareils électroniques dont la taille est supérieure à celle d’un téléphone portable. Si les bagages en soute sont contrôlés, ils le sont avec des chiens entraînés à repérer des explosifs, plus qu’avec du matériel sophistiqué qui est très coûteux. Et cet examen n’est pas systématique. De plus, une explosion ou un incendie dans une soute peuvent être bien plus dangereux qu’un incident en cabine où le personnel commercial peut intervenir rapidement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle jusqu’alors les compagnies aériennes recommandaient de ne pas mettre en soute des appareils avec des batteries au lithium susceptibles de prendre feu. Enfin, il ne faut pas se leurrer, un terroriste déterminé fera exploser son engin, par télécommande ou avec un système à retardement horaire, qu’il soit placé sous le siège d’une cabine ou en soute.
Les responsables de la sécurité aérienne aux États-Unis, la TSA, Transportation Security Administration, ont été peu précis dans leurs réponses. Ils ont évoqué de nouvelles menaces venant d’Al-Qaïda pour toucher le transport aérien. Mais l’un d’eux a tout de même reconnu sur NBC : « C’est une décision qui aurait pu être prise le mois dernier… ou jamais. »
Concurrence
Au point que les spécialistes du transport aérien se demandent s’il n’y a pas derrière cette mesure, très expéditive – elle sera opérationnelle dès le 25 mars –, une décision américaine strictement commerciale. Dès le début de sa présidence, Trump s’en est pris aux compagnies aériennes du Moyen-Orient qui font une concurrence déloyale aux avions américains en profitant de subventions de leurs gouvernements et de tarifs de faveur sur la plupart des aéroports de la péninsule arabique. C’est d’ailleurs une distorsion de concurrence que des compagnies comme Air France soulignent depuis longtemps sans trouver beaucoup de soutien auprès des gouvernements français successifs.
Or, la plupart des compagnies aériennes du Golfe, notamment Emirates, Etihad, Qatar Airways, mais aussi Turkish Airlines, viennent d’investir des sommes très importantes – on évoque 22 millions de dollars pour Emirates – afin de permettre à leurs passagers d’utiliser le Wifi en permanence à bord de leurs long-courriers. Ce qui n’est pas le cas des compagnies américaines, au moins sur les vols transatlantiques. La décision américaine d’interdire les ordinateurs et tablettes à bord rend donc – au moins provisoirement – ces investissements et l’argument commercial qui les accompagne complètement inutiles.
Est-ce un hasard si, il y a moins de quinze jours, Donald Trump a reçu les dirigeants de la plupart des compagnies aériennes américaines et leur a promis qu’il ferait en sorte de corriger « une situation parfaitement injuste pour leur industrie » ?